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7 questions à Vincent Dutrait

Vincent Dutrait. Photo de Derek Thompson
Vincent Dutrait. Photo par lui même

 

Aujourd’hui, c’est encore un de ces magicien de l’illustration qui répond aux 7 questions. Une de ces personnes qui par son travail et son talent nous fait voyager dans des univers différents et qui ajoute une dimension très importante au plaisir de jouer.

Vincent Dutrait qui a partagé sa vie entre la France et la Corée du Sud, est un illustrateur très prolifique et ces illustrations sont toujours très riches. Sorti de l’école Emile Cohl à Lyon en 1997, il y enseignera en tant que professeur de BD et d’illustration. Il a illustré donc un grand nombre de jeux comme, entre autre, Augustus, Mort ou vif, Diplomacy, Tikal II, Longhorn, Madame Ching et également Lewis et Clark de Cédrick Chaboussit.

Voici donc les 7 questions à Vincent Dutrait.

1 . Quel âge aviez-vous lorsque vous avez joué à votre premier jeu de société et qu’était-il ?

“J’étais tout gamin et mes premiers souvenirs de jeux de société qui reviennent ce sont Intrigues à Venise, Les Mystères de Pékin, L’Île Infernale, Canon Noir, entre autres. Et j’ai aussi de bons souvenirs de Dungeons & Dragons, l’Œil Noir, pour les jeux de rôle.”

2 . Pourquoi et comment avez-vous décidé d’illustrer des jeux de sociétés ?

“Au tout début des années 2000, j’ai fait mes premiers pas dans le milieu ludique (depuis 1997 je ne travaillais que pour l’édition jeunesse) pour des jeux de rôle (Guildes 2) et des magazines comme Backstab et D20. De fil en aiguille, j’ai rencontré l’équipe d’Asmodée qui m’a proposé Mort ou Vif. Par la suite j’ai illustré quelques jeux avec une forme d’interruption jusqu’en 2009 et un « retour » dans le monde du jeu avec Water Lily et Tikal 2. Depuis les collaborations s’enchaînent et je travaille sur 3~4 projets de jeux par an.”

3 . Quel sont vos 3 jeux de société favoris et pourquoi ?

“Il y en a beaucoup… mais pour synthétiser, je dirais Les Aventuriers du Rail, Tikal 2 et tout récemment Robinson Crusoé. J’apprécie aussi beaucoup de petits jeux de cartes, les jeux à deux, ceux dits abstraits. Mais, trop souvent accaparé par des montagnes de choses à faire, je manque de temps pour jouer et j’ai un faible pour les jeux qui procurent un grand sentiment d’accomplissement. Ceux au plaisir sans cesse renouvelé par la diversité des approches, ceux qui font vivre une expérience. Même si je rate ma partie, je souhaite avoir au final une certaine satisfaction d’avoir mené à bien un développement, une histoire. Et ce sans prise de tête excessive. Aussi, très sensible aux images et au sens qu’elles transmettent, j’ai besoin d’univers forts et immersifs aux esthétiques abouties et soignées.”

4 . Pour vous quel est la meilleure combinaison pour un illustrer un jeu avec succès ?

“Voilà une équation bien délicate. Au fil des collaborations, il me semble avoir cerné plusieurs paramètres dont trois essentiels. Le premier c’est une histoire de curseur. Trouver – en amont – le bon ton, la bonne démarche pour coller au plus près du jeu et de ce qu’il dégage. Quelle est la cible ? Le jeu est-il dit familial ou plus axé joueurs avancés voire marathoniens ludiques ? Quelle sera l’optique la plus adaptée aux images ? Une gymnastique capitale pour mettre le projet sur de bons rails. Ensuite c’est plus technique. L’illustration est au service du jeu, comme pour une couverture de romans ou pour un album jeunesse illustré. A la différence que pour le jeu, l’illustration doit asseoir et transmettre une mécanique. Le rapport entre la structure, le matériel et les rouages du jeu et l’impact des images est très très important. L’illustration ne doit pas parasiter le bon déroulement de la partie mais au contraire le rendre fluide, l’illustration doit être parfaitement lisible, à distance ou en main pour donner corps à une action, un effet, un personnage, un environnement en place… Pour finir, je n’illustre pas un jeu que pour un éditeur mais plutôt pour les joueurs. Il faut bien garder en tête que l’illustration doit transmettre et partager les intentions de l’auteur, l’histoire racontée, l’univers dépeint. Je peux communiquer avec les joueurs via les couleurs, cadrages, mises en scènes et choix de représentation.”

5 . Comment procédez-vous pour illustrer un jeu ?

“Tout d’abord, tout en réunissant docs et références, je souhaite jouer au jeu. Et ce même à l’état de proto très basique. Cela me permet de mieux comprendre la mécanique mais surtout saisir le « feeling » autour de la table, ce que vont dire les joueurs, comment le jeu va être « verbalisé », les gestes qui seront accomplis. C’est très important car les illustrations ne sont pas destinées à être vues sur écran ou uniquement en main. Un jeton passera peut-être le plus clair de la partie posé sur la table, une carte elle retournée, un plateau vu sous plusieurs angles et points de vue. J’ai besoin de comprendre l’utilisation qui sera faite de mes images pour les agencer au mieux. Une fois que le ton et la ligne directrice est calée, je crayonne tout, plateaux, cartes, tuiles, etc. Je travaille avec l’éditeur pour ajuster tout ceci car même avec une bonne vision d’ensemble d’un jeu, il n’est pas toujours évident d’en capter toutes les subtilités et les discussions se révèlent toujours constructrices. Ensuite je sors mes peintures et pinceaux, mon papier, et me lance dans la mise en couleurs que l’on qualifie de « traditionnelle ». Je n’utilise le numérique et l’ordinateur que pour ajuster les crayonnés par exemple ou préparer mes images à l’impression.”

6 . Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un souhaitant illustrer un jeu de société ?

“S’abreuver d’images, continuellement. Être curieux. Jouer, beaucoup jouer et s’impliquer, s’engager. Le monde du jeu est codé, avec ses succès et ses plantages, ses habitudes et ses traditions, ses modes et ses piliers. Je suis avec une grande attention tout ce qui se fait et se dit via les forums, sites, blogs, vidéos. Non pas pour être toujours à la page mais plutôt pour mieux comprendre et apprendre, développer et enrichir mon imaginaire et mes techniques, afin de proposer aux joueurs de nouvelles expériences et de nouvelles approches par le biais de mes illustrations.”

7 . Pourriez-vous nous donner une petite information sur votre prochain projet ?

“Ces temps-ci, je travaille avec acharnement sur un scénario pour le jeu TimeStories de Manuel Rozoy chez les Space Cowboys. C’est complexe et particulièrement dense, très narratif. Il y a beaucoup de cartes et certaines composent de grands panoramas dans lesquels les joueurs vont progresser. C’est un univers et une aventure médiéval-fantastiques dans le même esprit que Dungeons & Dragons. Je suis d’ailleurs enchanté de me replonger dans ces ambiances fantastiques et étranges et espère faire briller les yeux des joueurs !”

Merci Vincent pour ton temps. Pour plus d’informations sur le travail de Vincent : http://www.vincentdutrait.com/

V. Dutrait atelier